Un Youthlab réussi demande beaucoup de coordination et de compétences. Il est normal d’être confronté à des défis et à des doutes en cours de route. Dans cette section, vous pouvez compter sur l’expérience et les leçons apprises des partenaires pour avoir une longueur d’avance dans votre programme et être prêt à relever les défis.
Naviguer dans la différence de pouvoir inhérente entre les jeunes précédemment détenus et les professionnels de la justice
La formation se présente comme une opportunité de questionner les rôles de chaque acteur lors des procédures judiciaires, de prendre de la distance par rapport à ces rôles et d’analyser leurs effets sur l’interaction entre les jeunes et les professionnels de la justice. L’absence d’implications juridiques suffit généralement à créer une atmosphère moins axée sur la répartition du pouvoir et davantage sur la réflexion partagée et la prise de perspective.
Afin de renforcer encore le rapport de force, vous pouvez poser comme condition à la participation des jeunes que leur procédure judiciaire soit finalisée. De cette façon, ils se sentent en confiance et libres de parler et d’échanger avec des professionnels de la justice sans aucune crainte de représailles.
Créer le bon état d’esprit pour les formateurs de jeunes afin de faciliter un dialogue ouvert, significatif et de personne à personne
Cet état d’esprit fait généralement partie des séances de préparation à la formation et autres réunions de suivi – et c’est pourquoi elles sont si importantes. Le jeune doit être formé adéquatement afin d’interagir avec les professionnels de la justice. L’entraide, les compétences méthodologiques, les connaissances en termes de législation, de pratiques et d’apprentissage par les pairs contribuent à renforcer la confiance en soi et la conscience de soi. Cela offre aux jeunes de nombreuses occasions de pratiquer ce mode de communication ouvert à la fois entre eux et avec le modérateur. Le contact entre les jeunes et un soutien continu sont cruciaux pour faciliter et maintenir cette ouverture.
Enfin, il est important de faire comprendre aux jeunes formateurs qu’ils sont une valeur ajoutée au programme en raison de leur expérience, tout en veillant à ce qu’ils ne soient pas tenus de partager leur histoire avec qui que ce soit.
Créer le bon état d’esprit pour les professionnels de la justice afin de faciliter un dialogue ouvert, significatif et de personne à personne
Lorsque l’offre d’échange est diffusée, le programme avec les objectifs et les approches est inclus. Les professionnels qui s’inscrivent sont ainsi informés en amont, ce qui peut également créer un biais de sélection : les participants les plus susceptibles de s’inscrire sont aussi ceux qui sont un peu sensibilisés aux enjeux.
Une fois les échanges entamés, il est rappelé aux participants les objectifs des séances, c’est-à-dire la critique constructive du système de justice juvénile. Les jeunes sont ensuite présentés comme formateurs juniors. Il est partagé que les jeunes ont été en contact avec le système judiciaire dans le passé, ont surmonté ces problèmes et ont ensuite suivi une formation spécifique pour faire partie du programme. Grâce à cela, ils offrent désormais aux professionnels de la justice une vision très pertinente du système de justice.
Établir des limites claires qui aident à protéger les jeunes contre les pressions indues pour partager des informations personnelles
L’expérience des jeunes est cruciale pour ce programme car ils ont acquis une perspective particulière du système de justice. Au cours des sessions d’échanges, les jeunes formateurs apportent des observations et des analyses tirées de leurs expériences et réfléchissent ensemble sur des questions qui leur tiennent à cœur. Cependant, la portée de la formation n’est pas l’analyse de leur histoire. Il doit être clairement indiqué dans les règles de base que les questions sur les infractions concrètes ne sont pas encouragées car elles ne sont pas utiles aux fins de l’atelier. Au lieu de cela, l’accent devrait être mis sur l’amélioration des compétences et de l’attitude des professionnels travaillant dans le système de justice pour les jeunes et sur leurs relations avec les jeunes impliqués dans des procédures pénales.
Protéger le bien-être et les limites des individus lorsque surviennent des émotions fortes
Il est particulièrement important de discuter régulièrement des limites du jeune, selon chaque activité prévue. La préparation d’activités en groupe permet aux jeunes de prendre de la distance par rapport à leurs expériences et de s’engager plutôt dans une analyse objective de la justice et de son fonctionnement. De même, les moments de débriefing sont l’occasion de réfléchir aux séances et aux émotions qu’elles ont suscitées, et comment ils peuvent être gérés à l’avenir.
Lors de la formation, il est expliqué qu’un des objectifs est de comprendre ce qui crée les blocages de communication entre les jeunes et les professionnels. Cela conduit à s’interroger sur les limites du système, celles des jeunes et celles des professionnels. Ici, il est important de souligner que le but n’est pas de critiquer des individus spécifiques, mais le fonctionnement et la dynamique interne du système.
Malgré les précautions, il est arrivé une fois qu’un jeune participant soit frustré pendant la formation. Les participants ont répondu de manière professionnelle, bienveillante et compréhensive. Il est important de faire confiance à ceux dont le métier est d’accompagner les jeunes dans les moments de crise.
Coordinatrice Youthlab, Belgique
Néanmoins, en général, les émotions qui ont tendance à émerger sont plus susceptibles d’être de l’empathie, un sentiment de nostalgie ou un engagement à aider les jeunes en conflit avec la loi.
En plus des sessions de formation, il est essentiel de prendre également en compte les propres conditions émotionnelles, sociales, professionnelles et environnementales des jeunes lorsqu’ils participent au projet. Selon leur âge et la situation dans laquelle ils se trouvent, leur situation peut évoluer rapidement, ce qui nécessite une certaine flexibilité dans la participation, mais aussi un suivi continu basé sur une relation de confiance.
Enfin, il est important de garder à l’esprit que l’implication des jeunes dans une initiative aussi exigeante sur le plan émotionnel tend à brouiller les frontières entre la supervision du projet et l’implication personnelle des coordonnateurs de projet. Quand on recrute un jeune au passé difficile, le présent est souvent aussi délicat. Dans le cadre de cette implication personnelle, il faut veiller à maintenir une communication fluide, un soutien continu et une volonté/disponibilité d’être flexible, d’écouter et de soutenir en cas de besoin – même en dehors des activités du projet.
Aborder des sujets pouvant créer un déséquilibre de pouvoir important
Des sujets tels que le remords peuvent survenir, mais la discussion devrait se concentrer davantage sur la qualité et l’adéquation des services de soutien aux jeunes que sur le comportement des jeunes. L’objectif est d’identifier des approches de communication et d’accompagnement qui permettent de gérer adéquatement la situation d’un jeune en conflit avec la loi, tout en le faisant se sentir entendu, compris et respecté.
Lorsque les comportements passés sont abordés, c’est dans l’optique d’identifier les besoins des jeunes à des moments clés de leur développement et de les accompagner au mieux.
« Tu n’es pas désolé ? »
Au cours d’une séance d’échange, un agent de libération conditionnelle a demandé à l’un des garçons du groupe s’il regrettait ce qu’il avait fait. Le garçon a répondu par un court ‘non, je ne le fais pas’. On pouvait sentir la tension dans la pièce et l’atmosphère a changé.
L’animateur connaît assez bien ce garçon et son parcours et l’a aidé à expliquer ses pensées. L’animateur lui a demandé : « Murat, bien sûr que je connais ton histoire, et je crois que tu as dit une fois qu’à l’époque, tu sentais que tu n’avais pas d’autre choix que de faire ce que tu as fait, c’est bien ça ?
Le garçon a confirmé cela et a ajouté : « Oui, tu sais, j’avais demandé de l’aide aux institutions et je ne savais plus quoi faire d’autre pour obtenir de l’argent pour acheter de la nourriture, alors c’est là que je me suis trompé de chemin. ” L’animateur a poursuivi : « Imaginez que votre situation ait été différente, auriez-vous agi de la même manière ? » Murat a répondu: « Non, je n’ai jamais pensé ni imaginé que je ferais quelque chose comme ça. »
L’animateur aide le jeune à trouver les mots pour exprimer la façon dont il a vécu ce qui s’est passé et comment il y réfléchit. Avec le soutien de l’animateur, il a pu exprimer qu’il s’était senti impuissant face à la situation et qu’il souhaitait que cela ne se soit pas produit. L’animateur a posé une question différente, mais l’agent de libération conditionnelle a obtenu une réponse à sa question sur le regret, ainsi qu’un meilleur aperçu de son histoire.